Mutti

(Maman en allemand)

10.11.1940 – 06.02.2024 †

Ma chère maman, Notre chère maman, Sœur, Cousine, Tante, Mamie, Amie…

Dagmar. Ton nom signifie quelque chose comme « le jour clair, le jour lumineux ».

Il y a moins d’un an et demi, nous étions tous les trois, toi, Lutz et moi, à cet endroit précis. Tu avais l’air si heureuse ce jour-là. À nouveau ici, avec presque toute la famille, nous espérons tous que tu es aussi heureuse aujourd’hui et que tu trouveras un beau repos.
Avant de rendre ton dernier souffle, tu as encore attendu patiemment pendant une semaine, plus patiemment que nous, jusqu’à ce que tu sois sûre de pouvoir donner encore quelques beaux jours à d’autres personnes… (don d’organes)

Donner. Tu es toujours restée fidèle à ta générosité.

La vie a-t-elle toujours été généreuse avec toi ? Tes journées ont-elles toujours été claires et lumineuses pour toi ?

L’un de tes premiers souvenirs conscients dont tu m’as parlé remonte à 79 ans, presque jour pour jour (bombardement de Dresden). Lorsque les sirènes hurlaient et que tout le monde devait descendre à la cave, tu t’inquiétais pour ta mamie car elle ne descendait pas les escaliers aussi vite. Ce n’est donc pas pour toi, mais pour les autres que tu t’inquiétais à l’âge de seulement 4 ans…
Tout le reste de cette journée a été enregistré par ton subconscient, t’a profondément marquée, accompagnée, et guidée tout au long de ta vie, malgré toi.

Quoi que tu aies fait, tu n’as pas toujours choisi la voie la plus facile, du moins pas la plus facile pour toi. Mais tu savais ce que tu voulais, même si souvent des doutes ont jeté leur ombre.
Quatre jours avant de partir, tu m’as dit que tu avais fait beaucoup d’erreurs. Tu m’as ainsi donné une occasion incroyable de te dire ce que l’on manque souvent de son vivant, soit parce que l’on croit que « maman le sait », soit parce qu’il y a toujours une bonne raison de ne pas le faire… j’ai pu ainsi t’exprimer ma profonde gratitude et celle de Lutz pour tout ton amour et les valeurs essentielles, les seules importantes, que tu nous as transmis. Sans eux, nous n’aurions certainement pas pu traverser la vie de manière aussi stable jusqu’ici. Depuis que nous sommes au monde, tu as vécu pour nous. Tu nous as transmis ton bon sens, ton intelligence pour la vie :

– Pour la vie que tu nous as donnée, pour laquelle tu t’es engagée inconditionnellement avec toute ton énergie, sans rien attendre de nous. Tu nous as tout donné, c’est-à-dire l’Amour, rien d’inutile… car l’Amour est le germe de tout.

– Mais aussi pour la vie au sens large. Tu savais que chaque être vivant a une âme, peut ressentir la douleur et la joie, chacun à sa manière. Tu as souffert face à des personnes qui ne montrent aucun sentiment. Tu as laissé libre cours à ta colère face à des personnes sans compassion, qui ne veulent pas la montrer… ou qui ne le peuvent pas ?… face à des personnes qui rejettent tout d’emblée en disant « Comment faire autrement ? C’est comme ça, il n’y a pas d’alternative ! ».

Là, le souvenir de ton subconscient revenait sans cesse, celui de la force destructrice insensée des hommes. Et cela t’a donné du fil à retordre. Mais tous ne sont pas mauvais. Tu as toi-même essayé de le prouver. Tu savais qu’il est possible de faire autrement, que tout est possible. Tu t’es engagée pour des choses pour lesquelles on se moquait de toi, pour une vie digne de tous les êtres. Tu étais souvent seule, mais tu t’es battue, tu n’as pas abandonné, même aux débuts très difficiles. Avec ta persévérance, tu m’as fait réfléchir et tu as fait réfléchir d’autres personnes. Ton souhait était de donner un meilleur sens au « vivre ensemble ». Nous ne pouvons que nous incliner devant cela.

Tu n’as rien fait de mal, maman ! Tu as juste exprimé la souffrance à ta manière et essayé de la soulager chez les autres. Parfois avec colère, oui, mais surtout avec sollicitude, avec amour, avec courage, avec modestie… et bien sûr, avec ton amour maternel infini.

Le chemin que tu prends aujourd’hui te réunira à nouveau avec ta propre maman, avec ton papa et avec ton frère, auxquels tu n’as jamais cessé de penser. Vous aurez beaucoup de choses à vous raconter.

Mais pour l’instant, repose-toi bien. Un jour, nous nous reverrons nous aussi.

Ma chère maman, merci du fond du cœur pour tout ! Je t’aime très très très fort et te souhaite un bon voyage.

Ecouter le morceau de musique joué à la cérémonie juste avant le discours ci-dessus. Je l’ai joué et enregistré il y a 30 ans sur une vieille cassette audio… et en présence de maman => cliquer ici.